ComptaNat.fr
 
  Le site de la comptabilité nationale  
   
Économie
Comptabilité privée
Informatique
 

Fiche de synthèse : le champ de la comptabilité nationale

Les richesses créées par l'homme

La comptabilité nationale étudie la création de richesses par l'homme, leur répartition et leur utilisation. Les richesses sont créées lors de la production sous forme de biens et services. Ceux-ci peuvent généralement s'échanger sur un marché, si bien qu'ils possèdent une valeur monétaire. C'est cette valeur monétaire qui permet aux comptables nationaux d'agréger des produits de natures différentes et donc de présenter une image synthétique de l'activité économique.

La comptabilité nationale établit une distinction claire entre les activités qu'elle considère productives, c'est-à-dire créatrices de richesse, et les activités qui se limitent à une simple redistribution de richesses. Elle ne tient pas compte d'une multitude d'activités qu'elle considère, malgré leur utilité sociale incontestable, comme ne relevant pas du champ de l'économie.

La délimitation des activités productives a évolué au cours du temps. Par exemple, l'emploi de personnel domestique par des particuliers a longtemps été considéré par les économistes comme l'exemple type de travail improductif. Aujourd'hui, cette activité est intégrée dans les comptes nationaux à la sphère productive et contribue au produit intérieur brut.

La définition de la production

Schématiquement, on peut considérer que les activités productives sont celles qui satisfont à trois critères :

  • Elles reposent sur le travail de l'homme ;
  • Elles représentent une utilité pour la collectivité considérée dans son ensemble ;
  • Elles peuvent être évaluées sur une base monétaire.

Cette définition n'est pas la définition officielle car la comptabilité nationale doit pouvoir décrire toutes les économies, y compris celles où le marché apparaît secondaire face au secteur public ou au secteur informel.

Le Système de comptabilité nationale des Nations-Unies (SCN 1993) définit le domaine de la production (c'est-à-dire celui des activités productives) de la manière suivante :

La production peut être définie comme une activité exercée sous le contrôle et la responsabilité d'une unité institutionnelle, qui met en œuvre des entrées (travail, capital, biens et services) dans le but de produire des biens ou services. Il doit exister une unité institutionnelle qui assume la responsabilité du processus et qui est propriétaire des biens produits, ou qui a droit à être payée ou rémunérée d'une façon ou d'une autre pour les services fournis. Un processus purement naturel, sans intervention ni contrôle humain, ne constitue pas une production au sens économique. C'est ainsi que l'accroissement incontrôlé des stocks de poisson dans les eaux internationales ne constitue pas une production, au contraire de la pisciculture.

La référence au marché

Cette définition évite la référence au marché. Pourtant, toutes les valeurs de la comptabilité nationale sont exprimées en monnaie, ce qui suppose implicitement l'existence de la monnaie et donc du marché.

La comptabilité nationale est avant tout une comptabilité et, comme la comptabilité privée, elle repose sur des évaluations en termes monétaires, ce qui limite de fait son champ aux activités créatrices de richesses considérées par la société comme mesurables en termes monétaires.

Le problème n'est pas seulement de savoir s'il est possible de valoriser une activité mais également s'il est pertinent ou non de le faire. La notion de prix renvoie, en effet, à celle d'échanges et ces échanges peuvent intervenir dans des cadres bien différents :

  • Les échanges intervenant dans le cadre d’une économie de marché. Ils ne reposent pas sur des liens de solidarité et n'en créent pas. Ils permettent donc d’étendre les échanges bien au-delà du cercle des proches mais ils ne renforcent pas la cohésion sociale.
  • Les échanges existant en dehors du cadre de l'économie de marché, ils sont très majoritaires et toute vie en société serait impossible sans eux. Ils peuvent prendre des formes multiples mais présentent le plus souvent un caractère symbolique ou sentimental fort. Un simple échange de poignées de mains peut parfois être lourd de sens et de conséquences, le sourire d'un bébé rémunère très largement ses parents pour les soins qu'ils lui prodiguent.

Les échanges destinés à renforcer les liens sociaux présentent une caractéristique essentielle : ils ne cherchent généralement pas à être équilibrés car c’est précisément du refus de la comparaison que naît la permanence du lien, chacun restant après l’échange indissociablement créancier et débiteur, contrairement à ce qui se passe dans une économie de marché où le paiement rompt tout lien.

Du fait de ce déséquilibre, le domaine des liens sociaux ne peut pas être décrit par une comptabilité et la comptabilité nationale ne l’aborde que lorsque ces liens passent par des transactions monétaires ou utilisent des moyens acquis sur le marché. Ainsi, la comptabilité nationale valorise les activités des administrations publiques et des associations sans but lucratif.

À l'inverse, la comptabilité nationale exclut de son champ toutes les activités que, malgré leur importance sociale, la société refuse de réduire à de la monnaie. C’est le cas, par exemple, des rapports sociaux les plus fondamentaux, ceux qui lient les familles, les amis, les groupes sociaux d’une manière générale.

Un débat existe sur l'intégration de certaines activités dans le champ de la comptabilité nationale. C'est le cas, par exemple, des activités domestiques. En effet, la préparation de repas dans le cadre familial n’est pas intégrée aux comptes nationaux alors que la préparation de repas au restaurant l'est. Le débat porte d'abord sur la question de la mesure des services domestiques en unités monétaires.

Les nombreux travaux qui visent à intégrer les activités domestiques dans le champ de la comptabilité nationale se heurtent à l'absence de prix objectivement mesurables. Ils reposent donc sur le choix de conventions, par nature contestables, ce qui ne devrait pas empêcher la mesure des services domestiques d'être, à l'avenir, associée à la comptabilité nationale dans ce que les comptables nationaux appellent des comptes satellites.

La référence au travail et à l'utilité pour la collectivité

Le travail est la base de toute activité économique, l'introduire dans la définition du champ de la comptabilité nationale permet d'exclure des activités productives, d'une part toute création de richesse qui ne peut être attribuée à l'homme, d'autre part l'ensemble les opérations financières. Ainsi, tout ce que la nature produit sans intervention humaine, par exemple les poissons de la mer, n'entre pas dans le champ des activités productives. De même, dans le domaine financier, un prêt n'est pas considéré comme une activité productive même s'il est utile aussi bien pour le prêteur que pour l'emprunteur.

Le point de vue de la comptabilité nationale est d’abord celui de la macroéconomie, c’est-à-dire un point de vue global. Ainsi, pour être prise en compte en comptabilité nationale, la richesse doit correspondre à une utilité sociale pour la société prise dans son ensemble et non à une utilité pour quelques-uns qui serait annulée par une nuisance pour d’autres.

Par exemple, le vol n’est pas considéré comme une activité productive car il se fait au détriment de la personne volée. En revanche, les activités illégales comme le trafic de drogue ou la prostitution font partie du champ de la production car elles sont considérés être réalisées sur une base volontaire, si bien qu'elles doivent être effectivement évaluées par les comptables nationaux malgré les difficultés pratiques évidentes liées à l'absence de sources fiables.

Les ressources naturelles

La comptabilité nationale ne tient compte des ressources naturelles que lorsque celles-ci sont la propriété d'agents économiques et qu'elles ont un prix. Les ressources naturelles apparaissent alors par leur valeur de marché dans les comptes de patrimoine et dans les comptes qui permettent de passer du patrimoine de début de période à celui de fin.

Mais la comptabilité nationale ne met pas sur le même plan la valeur des richesses créées par l'homme et la valeur des ressources naturelles, si bien que son principal agrégat, le produit intérieur brut, ne tient pas compte de la dégradation des ressources naturelles. Il est important d'en comprendre la raison.

La comptabilité nationale repose sur la notion de prix, c'est-à-dire sur des échanges librement acceptés. Le prix est alors une mesure du sacrifice librement consenti par chaque partie pour obtenir ce qu'elle souhaite. Sans échange libre, il n'y a ni prix, ni enregistrement en comptabilité nationale. Le problème est précisément que, dans le cas de la destruction de ressources naturelles, il n'y a pas réellement d'échange librement consenti.

En effet, un pacte implicite lie les générations. Chaque génération reçoit en héritage les ressources naturelles et doit les transmettre aux générations suivantes. Lorsque des ressources naturelles sont détruites, le pacte est rompu, une génération se donne le droit de profiter seule des ressources naturelles. Ni les générations précédentes qui ont disparu, ni les générations suivantes qui ne sont pas encore nées, ne peuvent protester. On n'est donc pas dans le cadre d'échanges librement consentis.

De nombreux travaux cherchent à mesurer en valeur monétaire la dégradation de l'environnement mais, faute de prix objectivement mesurables, ils reposent nécessairement sur des conventions par nature contestables. Cependant, de nombreuses personnes considèrent que ce qui n'est pas mesurable en monnaie n'a pas de valeur, si bien qu'une mesure de la dégradation de l'environnement leur apparaît indispensable, même si elle ne peut être que conventionnelle. L'intégration ou non de ces travaux dans les comptes nationaux dépendra principalement du poids politique de leurs auteurs.

Ce texte n'engage que son auteur : Francis Malherbe