ComptaNat.fr
 
  Le site de la comptabilité nationale  
 
 
 

Le reste du monde

Territoire économique et résidents

Avant d'introduire les relations avec le reste du monde, il est nécessaire de définir précisément l'économie nationale. En théorie, deux options semblent possibles, la première consisterait à définir l'économie nationale à partir des activités se déroulant sur le territoire national, la seconde à considérer les activités des agents nationaux, que ces activités se déroulent sur le territoire national ou à l'étranger.

En pratique, la seconde option est impossible à mettre en œuvre faute de statistiques disponibles sur l'activité des nationaux résidant à l'étranger. La première option n'est cependant pas non plus réellement applicable car il n'est généralement pas possible de disposer de toute l'information statistique souhaitable sur les étrangers n'effectuant que de courts séjours sur le territoire national. Pour résoudre le problème les comptables nationaux se basent sur les notions de résidence et de territoire économique national.

Le Système européen des comptes nationaux (SEC 2010) donne de l'économie nationale la définition suivante :

Les unités qui constituent l'économie d'un pays et dont les flux et les stocks sont comptabilisés dans le SEC 2010 sont celles qui sont résidentes. Une unité institutionnelle est résidente dans un pays lorsqu'elle a son centre d'intérêt économique prépondérant sur le territoire économique dudit pays. Ces unités sont qualifiées de résidentes, quelles que soient leur nationalité, leur personnalité juridique, et qu'elles soient présentes ou non sur le territoire économique au moment où elles effectuent une opération.

Le territoire économique d'un pays ne correspond généralement pas exactement au territoire national tel qu'il est reconnu officiellement par les Nations Unies. Le système européen des comptes nationaux (SEC 2010) définit le territoire économique de la manière suivante :

Les unités résidentes d'un pays sont celles qui ont un centre d'intérêt économique sur le territoire économique de ce pays

Par territoire économique d'un pays, il faut entendre:

Le territoire économique ne comprend pas les enclaves extra-territoriales. Il ne comprend pas non plus les parties du territoire géographique du pays utilisées par les organisations extérieures suivantes:

Les résidents ne possèdent pas nécessairement la nationalité du pays où ils résident puisque la comptabilité nationale définit une unité résidente à partir du centre d'intérêt économique sur le territoire économique de ce pays. Le centre d'intérêt économique est défini par le système européen des comptes nationaux (SEC 2010) de la manière suivante :

Les résidents ne possèdent pas nécessairement la nationalité du pays où ils résident

Un «centre d'intérêt économique prépondérant» indique qu'il existe, sur le territoire économique d'un pays, un lieu où une unité exerce des activités économiques et réalise des opérations de quelque ampleur pendant une durée soit indéterminée, soit déterminée mais relativement longue (un an ou plus). La propriété d'un terrain ou d'un bâtiment sur le territoire économique est suffisante pour qu'il y ait centre d'intérêt économique prédominant dans le chef du propriétaire.

Il est possible de distinguer plusieurs catégories d'unités qu'il faut considérer comme résidentes du pays:

Importations et exportations

Définition

Il y a exportations ou importations de biens et services à partir du moment où il y a transfert de la propriété de ceux-ci entre des résidents et des non-résidents

Les importations et les exportations correspondent aux échanges de biens et services entre l'économie nationale et le reste du monde. Il y a exportations ou importations à partir du moment où il y a transfert de la propriété de biens et services entre des résidents et des non-résidents, que ce transfert s'accompagne ou non d'un franchissement physique des frontières.

Le Système européen des comptes nationaux (SEC 2010) définit les exportations et les importations de la manière suivante :

Les exportations de biens et de services sont des opérations (ventes, troc et dons) par lesquelles des résidents fournissent des biens et des services à des non-résidents.

Les importations de biens et de services sont des opérations (achats, troc et dons) par lesquelles des non-résidents fournissent des biens et des services à des résidents.

Les exportations et les importations de biens et de services ne comprennent pas:

Le SEC 2010 a supprimé toutes les exceptions à la règle du changement de propriété. Ainsi :

Cette suppression des exceptions à la règle du transfert de propriété a des conséquences extrêmement importantes du point de vue statistique mais elle présente l'avantage de rendre la comptabilité nationale cohérente avec la comptabilité privée, c'est-à-dire avec les informations disponibles dans la comptabilité des entreprises.

Valorisation

Le prix caf est le prix à la frontière du pays importateur avant acquittement de tous les impôts et droits sur les importations et paiement de toutes les marges commerciales et de transport dans le pays

La cohérence avec les autres opérations du système impose que les importations et les exportations soient évaluées sur la base des prix du marché. Ce principe doit toutefois être précisé. D'abord, si l'on considère le compte de biens et services, il apparaît que les importations doivent être évaluées, comme la production, à un prix qui exclut les impôts sur les produits et inclut les subventions sur les produits, alors que les exportations doivent être évaluées, comme les autres emplois, à un prix qui inclut les impôts sur les produits et exclut les subventions sur les produits.

Puisque la notion d'importation et d'exportation est basée sur la notion de transfert de propriété, les prix devraient être déterminés sur la base des contrats passés entre le résident et le non-résident qui effectuent la transaction. Mais, pour des raisons pratiques, la comptabilité nationale a fondé la valorisation des importations et des exportations sur la base des déclarations douanières. Il convient ici d'établir une distinction entre les biens et les services.

Importations et exportations de biens

Le prix fab est le prix à la frontière du pays exportateur

Historiquement, la comptabilité nationale a commencé à évaluer les importations et les exportations de biens à leur valeur à la frontière du pays. Ainsi, les importations ont été évaluées à leur valeur à l'entrée du territoire national, c'est-à-dire à un prix qui inclut toutes les marges de transport et d'assurance entre le producteur étranger et la frontière nationale, mais qui exclut les impôts nets des subventions sur les importations. Ce prix est appelé prix CAF (coût, assurance, fret).

L'exclusion des impôts nets des subventions sur les importations s'explique par le fait que, contrairement aux importations qui sont payées à des non-résidents, les impôts sont payés à l'État national et ne constituent donc pas une ressource du reste du monde.

Les exportations ont été évaluées à leur valeur à la sortie du territoire national, c'est-à-dire à un prix incluant les marges de transport et d'assurance jusqu'à la frontière nationale mais non au-delà. Ce prix qui inclut également les impôts nets des subventions sur les exportations est appelé prix FAB (franco à bord).

L'inclusion des impôts nets des subventions s'explique par le fait que, comme les exportations, les impôts sont payés à des résidents et qu'ils constituent donc un emploi du reste du monde.

Les exportations et les importations de biens doivent être évaluées franco à bord (fab) à la frontière du pays exportateur

Cependant, les comptables nationaux ont changé leur convention car les statisticiens du commerce extérieur souhaitaient pouvoir vérifier que la valeur des exportations d'un pays A vers un pays B correspondait bien à la valeur des importations du pays B en provenance du pays A, ce qui était difficile du fait de la valorisation à des prix différents des importations et des exportations. Aussi, les comptables nationaux ont-ils décidé de valoriser les importations non plus à la frontière nationale mais à la frontière du pays exportateur au prix FAB.

Ainsi, les importations et les exportations de biens sont valorisées de la même manière au prix fab.

Le prix fab (fob en anglais) comprend:

Dans les tableaux entrées-sorties, les importations de biens sont évaluées à la valeur caf

Toutefois, dans les tableaux des ressources et des emplois et dans les tableaux entrées-sorties, les importations de biens sont, pour tous les groupes de produits, évaluées à la valeur caf, c'est-à-dire à la frontière du pays importateur avant acquittement de tous les impôts et droits sur les importations et paiement de toutes les marges commerciales et de transport dans le pays.

Prenons un exemple où la France importe du café du Brésil et exporte des voitures vers la Belgique.

Le prix du café chez le producteur brésilien est 100, le transport entre le producteur et la frontière brésilienne vaut 20, celui entre la frontière brésilienne et la frontière française vaut 50 et celui entre la frontière française et l'importateur français vaut 10. De plus des taxes à l'importation de 5 sont prélevées à la frontière française.

Le prix des voitures chez le producteur français est de 200, le prix du transport jusqu'à la frontière française est de 15, celui entre la frontière française et la frontière Belge est de 5 et celui entre la frontière belge et l'importateur belge est de 10.


Dans ces conditions, les importations de café de la France valent 120 sur une base FAB et 170 sur une base CAF. Les taxes sur les importations de 5 ne sont prises en compte ni dans la valeur FAB ni dans la valeur CAF car elles ne sont pas un paiement au reste du monde.

Ses exportations de voitures s'élèvent à 215. Les exportations de café du Brésil s'élèvent à 120. Les importations de voitures de la Belgique valent 215 sur une base FAB et 220 sur une base CAF.

Importations et exportations de services

La valorisation des services pose moins de problèmes puisqu'il n'y a pas de marges de transport mais le traitement des exportations et des importations de services de transport doit être cohérent avec celui des biens.

Ainsi, dans le cas d'une exportation de biens, l'acheteur étranger paye un prix d'acquisition qui comprend trois éléments :

La valeur totale des exportations de biens et services du pays à l'occasion de cette opération correspond à ce que paye l'acheteur étranger à des résidents, c'est-à-dire l'exportateur ainsi que, éventuellement, des transporteurs résidents. Considérons l'exemple présenté dans le tableau ci-dessous :

Prix de base100
Transport jusqu'à la frontière nationale 20
Sous-total : exportations de biens  120
Transport au-delà de la frontière50
Prix payé par l'acheteur170

Supposons que tout le transport soit effectué par des entreprises non résidentes, dans ce cas l'acheteur étranger a payé à des entreprises résidentes uniquement 100 correspondant au prix de base. Pourtant, le pays enregistre 120 en exportations de biens, ce qui est une somme supérieure à ce qu'il a réellement vendu. Le problème vient de l'enregistrement des exportations de biens à leur valeur à la frontière alors qu'une partie de cette valeur peut provenir de services de transports assurés par des entreprises non résidentes.

Pour obtenir un montant correct de la valeur totale des exportations du pays, il faut donc déduire de la valeur fab des exportations de biens la partie du transport assurée sur le territoire national par des entreprises non résidentes. Pour cela, les comptables nationaux n'enregistrent pas des exportations négatives mais des importations de services de transport. On a donc dans notre exemple :

Exportations de biens (valeur fab)120
Importations de services de transport20
Solde des échanges de biens et services 100

De cette manière, le solde des échanges de biens et services correspond bien à la valeur des ventes du pays au reste du monde.

Si le transport au-delà de la frontière est pris en charge par une entreprise résidente, il apparaîtra dans les exportations de services de transport.

Tout se passe comme si le contrat de vente stipulait une livraison à la frontière du pays exportateur. Si ce dernier n'assure pas la livraison jusqu'à sa frontière il doit faire appel à une importation de service de transport, s'il livre au-delà de sa frontière il facture en plus une exportation de service de transport.

Lorsque les importations sont évaluées à leur valeur fab, c'est-à-dire à leur valeur à la frontière du pays exportateur, il faut également tenir compte de la résidence du transporteur. Ainsi, le prix payé par l'importateur peut-il être décomposé en trois composantes :

Là encore, le transport peut être effectué par des entreprises résidentes ou non résidentes. Considérons l'exemple suivant :

Prix payé au vendeur non-résident90
Transport jusqu'à la frontière du pays exportateur10
Sous-total : importations de biens (valeur fab) 100
Transport au-delà de la frontière du pays exportateur 80
Prix payé par l'importateur180

Supposons que tout le transport des biens soit effectué par un transporteur résident. Dans ce cas, le pays a payé 90 à des entreprises non-résidentes, ce qui doit correspondre à la valeur de ses importations de biens et services. Mais les importations de biens sont enregistrées pour une valeur fab de 100, c'est-à-dire une valeur supérieure. Une correction est donc nécessaire. Là encore, la correction n'est pas faite en enregistrant des importations négatives mais en enregistrant des exportations de services de transport. On a donc, dans notre exemple :

Importations de biens (valeur fab)100
Exportations de services de transport10
Solde des échanges de biens et services − 90

Le transport au-delà de la frontière du pays exportateur est inclus dans le prix d'acquisition des biens importés, s'il est assuré par des entreprises résidentes, il fait partie de la production nationale, s'il est assuré par des entreprises non résidentes, il est enregistré en importations de services de transport.

Là encore, tout se passe comme si le contrat de vente stipulait une livraison du pays exportateur à sa frontière. Si c'est le pays importateur qui assure le transport jusqu'à cette frontière, il le facture en tant qu'exportation. Si le pays importateur n'assure pas le transport au-delà de la frontière du pays exportateur, il devra importer en plus des services de transport.

Lorsque les importations sont évaluées à leur valeur caf, c'est-à-dire dans les tableaux entrées-sorties, il faut également tenir compte de la résidence des transporteurs. On peut décomposer le prix payé par l'importateur en trois composantes :

Considérons l'exemple suivant :

Prix payé au vendeur non-résident90
Transport jusqu'à la frontière nationale70
Sous-total : importations de biens (valeur caf) 160
Transport à l'intérieur du pays 20
Prix payé par l'importateur180

Si tout le transport est pris en charge par des entreprises résidentes, le pays a payé 90 à des entreprises non-résidentes, ce qui correspond à la valeur de ses importations de biens et services. Puisque les importations de biens s'élèvent à 160, une correction est nécessaire. Elle est faite en enregistrant des exportations de services pour le transport pris en charge par des entreprises résidentes pour acheminer les biens importés jusqu'à la frontière nationale, c'est-à-dire 70 dans notre exemple. On a donc :

Importations de biens (valeur caf)160
Exportations de services de transport70
Solde des échanges de biens et services − 90

Le transport à l'intérieur du territoire national est inclus dans le prix d'acquisition des biens importés, s'il est effectué par des entreprises résidentes, il fait partie de la production nationale, s'il est effectué par des entreprises non résidentes, il est enregistré en importations de services de transport.

En résumé, lorsque les importations de biens sont évaluées à leur valeur fab, c'est-à-dire à la frontière du pays exportateur :

  • les exportations de services de transport comprennent :
    • le transport au-delà des frontières nationales, par des entreprises résidentes, de biens exportés ;
    • le transport jusqu'à la frontière du pays exportateur, par des entreprises résidentes, de biens importés.
  • les importations de services de transport comprennent :
    • le transport jusqu'à la frontière nationale, par des entreprises non résidentes, de biens exportés ;
    • le transport depuis la frontière du pays exportateur, par des entreprises non résidentes, de biens importés.


Lorsque les importations de biens sont évaluées à leur valeur caf, c'est-à-dire à la frontière nationale :

  • les exportations de services de transport comprennent :
    • le transport au-delà des frontières nationales, par des entreprises résidentes, de biens exportés ;
    • le transport jusqu'à la frontière nationale, par des entreprises résidentes, de biens importés.
  • les importations de services de transport comprennent :
    • le transport jusqu'à la frontière nationale, par des entreprises non résidentes, de biens exportés ;
    • le transport depuis la frontière nationale, par des entreprises non résidentes, de biens importés.


Le compte du reste du monde

Pour décrire les opérations entre résidents et non-résidents, la comptabilité nationale utilise un compte qui est associé aux comptes d'agents, le compte du reste du monde. Ce compte n'est pas véritablement un compte d'agent car il ne cherche pas à décrire l'activité des non-résidents, il se contente d'enregistrer la contrepartie des opérations des résidents impliquant des non-résidents. Ainsi, les importations qui sont une partie de la production du reste du monde apparaissent en ressources de son compte, les exportations en emplois. De même, le compte du reste du monde enregistre tous les transferts et les opérations financières avec le reste du monde.

Le compte du reste du monde est subdivisé en sous-comptes :

Compte extérieur des opérations sur biens et services
P.6 Exportations de biens et de services
B.11 Solde des échanges extérieurs de biens et de services
P.7 Importations de biens et de services

Compte extérieur des revenus primaires et des transferts courants
D.1 Rémunération des salariés
D.2 Impôts sur la production et les importations
D.3 Subventions
D.4 Revenus de la propriété
D.5 Impôts courants sur le revenu, le patrimoine, etc.
D.61 Cotisations sociales
D.62 Prestations sociales autres que transferts sociaux en nature
D.7 Autres transferts courants
D.8 Ajustement pour variation des droits des ménages sur les fonds de pension
B.12 Solde des opérations courantes avec l'extérieur
B.11 Solde des échanges extérieurs de biens et de services
D.1 Rémunération des salariés
D.2 Impôts sur la production et les importations
D.3 Subventions
D.4 Revenus de la propriété
D.5 Impôts courants sur le revenu, le patrimoine, etc.
D.61 Cotisations sociales
D.62 Prestations sociales autres que transferts sociaux en nature
D.7 Autres transferts courants
D.8 Ajustement pour variation des droits des ménages sur les fonds de pension

Le compte de capital
K.2 Acquisitions moins cessions d'actifs non financiers non produits
B.9 Capacité (+)/besoin(-) de financement
B.12 Solde des opérations courantes avec l'extérieur
D.9 Transferts en capital à recevoir
D.9 Moins transferts en capital à payer

Compte financier
F Acquisition nette d'actifs financiers F Accroissement net des passifs
B.9 Capacité (+)/besoin (-) de financement

La séquence des comptes du reste du monde peut être résumée dans le schéma suivant :


Assurer la cohérence globale

Le compte du reste du monde est utile pour l'analyse économique mais aussi pour garantir l'équilibre des comptes.

Considérons, en effet, le tableau économique d'ensemble simplifié suivant :

Ce tableau n'est pas équilibré. En effet, la production ne couvre pas ses emplois dans le compte de biens et services, les lignes Salaires et Dividendes ne sont pas équilibrées. Est-il faux pour autant ? En fait, non.

La production ne couvre pas ses emplois parce qu'il y a également des importations, c'est-à-dire des achats au reste du monde, et des exportations, c'est-à-dire des ventes au reste du monde. Les lignes Salaires et Dividendes ne sont pas équilibrées car les ménages peuvent également recevoir des salaires et des dividendes en provenance du reste du monde.

Pour vérifier la cohérence globale de ce tableau économique d'ensemble, il est donc nécessaire de lui ajouter deux colonnes correspondant au compte du reste du monde et deux lignes correspondant aux exportations et aux importations, ce qui donne le tableau suivant :

Pour le reste du monde, les importations sont des ventes, donc une ressource et les exportations un emploi. Les salaires et les dividendes payés par le reste du monde sont pour lui des emplois.

Avec l'introduction des nouvelles colonnes et des nouvelles lignes, le tableau économique d'ensemble est maintenant parfaitement équilibré. Ainsi, pour s'assurer de la cohérence globale des comptes, il est nécessaire d'y introduire les relations avec le reste du monde.

L'égalité entre l'épargne et l'investissement

Dans une économie fermée, c'est-à-dire sans relations avec l'extérieur, l'épargne est égale à l'investissement. Cette relation qui est vraie pour l'économie mondiale prise dans son ensemble ne l'est cependant pas pour un pays particulier. En effet, cette relation est déduite du fait que, au niveau global, seule la production peut générer un revenu, c'est-à-dire en termes de comptabilité nationale, que le revenu national brut est égal au produit intérieur brut. Mais, pour un pays particulier, le revenu peut provenir non seulement de la production du pays mais aussi de celles d'autres pays du fait de l'existence de transferts de revenus (transferts courants) entre les pays.

Ainsi, pour un pays donné, le revenu national brut est égal au produit intérieur brut plus le solde des transferts courants provenant du reste du monde. Les transferts courants sont ici pris dans leur sens le plus général, c'est-à-dire incluant les salaires et les impôts. On a donc :

(1) RNB = PIB + TC

Or :

(2) PIB = CF + FBCF + ΔS + X − M

Où CF désigne la consommation finale, FBCF la formation brute de capital fixe, ΔS la variation de stocks, X les exportations et M les importations.

En remplaçant dans l'équation (1) le PIB par sa valeur, on obtient :

(3) RNB = CF + FBCF + ΔS + X − M + TC

Soit :

(RNB − CF) + (M − X − TC) = (FBCF + ΔS)

Or,(RNB − CF) est l'épargne nationale brute, (M − X − TC) est le solde des opérations courantes du reste du monde et (FBCF + ΔS) est l'investissement.

La relation s'écrit donc :

Épargne + solde des opérations courantes du reste du monde = Investissement

On peut retrouver simplement cette relation en considérant que l'épargne est le solde des opérations courantes, si bien que l'égalité entre l'épargne et l'investissement est aussi l'égalité entre la somme des soldes des opérations courantes et la somme des investissements pour l'ensemble du monde, c'est-à-dire pour la nation et le reste du monde. Or, en comptabilité nationale, on ne connait pas l'investissement du reste du monde et on le considère comme nul. En remplaçant le solde des opérations courantes de la nation par l'épargne, on retrouve la relation précédente.

La mondialisation

La mondialisation pose de nombreux problèmes pratiques aux comptables nationaux. En effet, la pratique des entreprises rend l'application stricte des principes de comptabilité nationale parfois difficile à accepter par les utilisateurs. Ainsi, la comptabilité nationale définit le producteur comme celui qui devient propriétaire de la production au moment où elle a lieu. Ce principe est fondamental car c'est sur lui que repose la cohérence entre l'approche production et l'approche revenu.

Mais, selon ce principe, une personne peut produire des automobiles en disposant seulement d'un téléphone portable, il suffit qu'elle fasse appel à des sous-traitants pour réaliser les études, produire les différents éléments du véhicule et les assembler. Les études, la production des différents éléments et l'assemblage peuvent avoir lieu dans plusieurs pays, tous différents du pays de résidence du producteur. Cet exemple caricatural, qui n'est pas si éloigné de la réalité dans certains cas, soulève plusieurs questions.

Est-il réellement acceptable d'imputer la production des véhicules au pays de résidence du producteur alors qu'il n'y contribue que très peu ?

Comment doit-on enregistrer les importations et les exportations dans de tels cas ? Pour comprendre la difficulté nous pouvons considérer un exemple plus réaliste, très répandu depuis la généralisation des délocalisations. Considérons donc un pays A, siège d'un groupe automobile où sont réalisées les études et la recherche, un pays B où une filiale du groupe produit les moteurs, un pays C où une autre filiale produit le reste des pièces et procède à l'assemblage. Les automobiles apparaissent ainsi physiquement dans le pays C et elles sont exportées vers un pays D.

Nous supposerons, ce qui correspond souvent à la réalité que la maison mère est la propriétaire des automobiles, c'est-à-dire le producteur au sens de la comptabilité nationale, et qu'elle fait intervenir ses filiales, qui sont toutes constituées en sociétés, en tant que sous-traitants. Dans la comptabilité de la maison mère, le chiffre d'affaires correspond aux ventes de véhicules complets, le chiffre d'affaires de chaque filiale correspond à leur contribution à la production. Nous négligerons dans notre exemple toutes les questions liées aux marges de transport et aux impôts nets des subventions.

PaysProduitChiffre d'affaires
AAutomobile100
BMoteur20
CAssemblage50

Le critère du transfert de propriété devant s'appliquer à la définition des importations et des exportations des différents pays, celles-ci sont évaluées de la manière suivante :

PaysImportationsExportations
A70100
B020
C050
D1000

Le pays A est considéré comme le producteur et l'exportateur des automobiles vers le pays D même si aucune automobile n'y apparaît physiquement, il y a donc un écart entre les exportations définies par la comptabilité nationale et les statistiques d'exportation basées sur le franchissement de la frontière.

Si les statistiques d'exportation sont basées sur les déclarations des entreprises, il y a cohérence entre elles et la comptabilité nationale. Le pays A importe également des moteurs pour une valeur de 20 et des services de montage pour une valeur de 50.

Dans le pays B, les exportations au sens de la comptabilité nationale se font vers le pays A, même si physiquement elles vont vers le pays C.

Dans le pays C, la situation est plus difficile. En effet, c'est là que naissent physiquement les automobiles mais seule une partie de leur valeur est enregistrée dans les comptes de l'entreprise. Si les statistiques d'exportation sont basées sur le franchissement de la frontière, elles enregistreront une exportation de C vers D de 100 alors que la comptabilité nationale enregistrera une exportation de 50 de C vers A.

Si les pays C et D sont des états membres de l'Union Européenne, une déclaration doit être faite dans le pays C pour l'exportation vers le pays D avec une valeur correspondant à la valeur totale des automobiles, c'est-à-dire 100. Si les statistiques d'exportation sont basées sur ces déclarations il y a donc également incohérence avec la comptabilité nationale.

Cet exemple montre que la mondialisation rend très difficile la réconciliation des statistiques du commerce extérieur avec les données de la comptabilité nationale, et que, en pratique, les comptables nationaux pourront rarement éviter l'analyse extrêmement lourde au cas par cas dans ce genre de situations.

Un exemple de problème de cohérence

Le traitement un peu complexe des marges de transport met en évidence un point important : il est très difficile d'assurer une parfaite cohérence entre toutes les définitions du système des comptes. En effet, la production est évaluée au prix de base, prix qui comprend les marges de transport apparaissant sur la facture établie par le producteur, comme le précise la définition du SEC 2010 :

Le prix de base correspond au montant que le producteur perçoit de l'acheteur par unité de bien ou de service produite, diminué, le cas échéant, des impôts sur les produits à payer et augmenté, le cas échéant, des subventions sur les produits à recevoir du fait de la production ou de la vente de cette unité. Le prix de base exclut les éventuels frais de transport facturés séparément par le producteur.

Considérons donc le cas d'une entreprise qui produit un bien dont le prix départ-usine est 100 et qui facture 180 ce bien à un client résidant à l'étranger, le prix incluant une marge de transport de 80. Supposons que cette marge se décompose en 20 de transport du producteur jusqu'à la frontière nationale et en 60 de transport de la frontière nationale jusqu'au client à l'étranger.

Dans notre exemple, la valeur de la production au prix de base est de 180 puisque les frais de transport ne sont pas facturés séparément au client et le prix FAB est de 120 car il n'inclut la marge de transport que jusqu'à la frontière nationale. Ainsi, le compte de biens et services n'est pas équilibré :

RessourcesEmplois
Production180 Exportation120

La valorisation de la production n'est donc pas totalement cohérente avec celle des importations et des exportations. La cohérence n'est assurée que pour le total du bien et des services de transport. Ainsi, si le transport est assuré par une entreprise résidente, les équilibres sont les suivants :

 ProductionImportations Cons. intermédiaireExportation
Biens18000120
Transport8008060
Total260080180

Lorsque le transport est assuré par un transporteur non résident :

 ProductionImportations Cons. intermédiaireExportation
Biens18000120
Transport020800
Total1802080120

On notera, dans ces équilibres, que la marge de transport incluse dans le prix de base correspond à une consommation intermédiaire en services de transport par le producteur de biens.

Auteur : Francis Malherbe




 









 








Comptabilité nationale
Économie
Comptabilité privée
Informatique
 

  • Ce site n'utilise pas de cookies, ne collecte aucune information sur ses visiteurs et ne comprend pas de publicité
  • Les vidéos Youtube intégrées à ce site sont soumises aux conditions d'utilisation de Google