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Croissance et productivité, des concepts obsolètes ?

Après avoir été les rois de l'analyse économique au XXe siècle, les concepts de croissance et de productivité survivront-ils au XXIe siècle ? Une réponse négative à cette question serait si cataclysmique pour les théories et les politiques économiques que l'on n'ose y penser. Et pourtant !

Un fondement commun, le volume

Les concepts de croissance et de productivité ont en commun de reposer sur un même concept de comptabilité nationale : le volume. Le problème est que celui-ci devient de plus en plus difficile à mesurer, pour comprendre pourquoi, il est nécessaire de rappeler quelques principes de base.

À l'origine, la notion de volume a été inventée pour généraliser la notion de quantité. Quand il n'y a qu'un produit, sa valeur est égale au produit de son prix par sa quantité. Il est alors très simple d'expliquer l'évolution de la valeur du produit au cours du temps en suivant séparément l'évolution de sa quantité et celle de son prix. Si l'on veut un indicateur d'évolution indépendant du prix pour éliminer l'effet de l'inflation, il suffit de suivre l'évolution de la quantité.

Malheureusement, lorsque l'on veut suivre l'évolution de la valeur de plusieurs produits, il n'est plus possible de parler de quantité globale car les quantités de produits de natures différentes ne sont pas additives. Pour éliminer le rôle des prix dans l'évolution de la valeur, les comptables nationaux utilisent une méthode très simple : ils figent les prix, c'est-à-dire qu'ils comparent les quantités des produits à deux périodes différentes en les valorisant aux mêmes prix, c'est-à-dire généralement ceux de la première période. C'est ce principe qui sert de base au calcul du volume et donc, par suite, à celui de la croissance et de la productivité.

Malgré sa grande simplicité apparente, cette méthode devient extrêmement difficile à mettre en œuvre dans nos économies modernes de plus en plus diversifiées et mondialisées.

Des concepts moins évidents qu'il n'y paraît

Le problème de fond est que les concepts de prix et de quantité sont moins évidents qu'il n'y paraît. Le Système européen des comptes nationaux (SEC 2010) donne l'explication suivante :

Les notions de prix et de quantité sont étroitement associées à celle de produits homogènes, c'est-à-dire des produits pour lesquels il est possible de définir des unités qui sont toutes considérées comme équivalentes et qui peuvent donc s'échanger contre la même valeur monétaire. Le prix d'un produit homogène peut alors être défini comme le montant monétaire contre lequel peut s'échanger chaque unité de ce produit.

On ne peut, en fait, suivre l'évolution au cours du temps des quantités et des prix que pour des produits homogènes. Par exemple, si l'on veut suivre l'évolution du prix des pommes, il est nécessaire de suivre une variété bien précise vendue dans des conditions bien déterminées. Il n'y aurait aucun sens à suivre une année les prix d'une certaine variété de pommes vendue dans un hypermarché et l'année suivante les prix d'une autre variété vendue sur un petit marché de village.

Le problème est que les produits homogènes ne sont en rien naturels, ils sont le résultat des pratiques de standardisation imposées par la production en série. Or, si la standardisation a été dominante au XXe siècle, c'est de moins en moins vrai au XXIe siècle où les produits et les pratiques commerciales sont de plus en plus diversifiés.

Le cas des nouveaux produits

Concrètement, un certain nombre de cas posent des problèmes difficiles aux comptables nationaux. Le plus ancien d'entre eux est certainement celui des nouveaux produits. La méthode de calcul des indices de prix et de volume suppose, en effet, d'être capable de définir des quantités et des prix pour deux périodes consécutives. Or, lorsqu'un nouveau produit apparaît, il n'est pas possible de mesurer son prix à la période précédente puisqu'il n'existait pas.

Dans ce cas, les comptables nationaux utilisent deux types d'approches pour estimer le prix du produit au cours de la période précédente. La première suppose que le prix du nouveau produit évolue comme celui de produits similaires, tandis que la deuxième cherche à déterminer directement quel aurait été le prix du nouveau produit s'il avait existé. La première approche, la plus utilisée en pratique, revient simplement à utiliser un indice de prix calculé à partir d'un échantillon de produits homogènes existant pendant les deux années consécutives. Dans la seconde approche, les méthodes les plus utilisées sont la méthode hédonique et la méthode input.

La méthode hédonique consiste à déterminer le prix d'un produit à partir de ses caractéristiques principales. Cette méthode est très utile mais a ses limites. Considérons, par exemple, le cas des ordinateurs. Supposons que le prix d'un ordinateur puisse être estimé correctement à partir de la vitesse de son microprocesseur et de la capacité de son disque dur et que l'on constate une hausse permanente des performances des ordinateurs sans hausse de leurs prix. Ainsi, un nouvel ordinateur bas de gamme possède les performances d'un ordinateur haut de gamme de l'année précédente et il est vendu à un prix nettement inférieur. S'il avait existé l'année précédente, il aurait pu, grâce à ses performances, être vendu à un prix bien supérieur. La méthode hédonique conclut donc à une baisse des prix des ordinateurs. Est-ce vraiment pertinent ?

Considérons, par exemple, le cas d'un client utilisant son ordinateur uniquement pour écrire son courrier et des notes très simples avec un logiciel de traitement de texte. Dans ce cas, il s'intéressera beaucoup moins aux performances de son ordinateur qu'à son prix. À l'inverse, un ingénieur utilisant son ordinateur pour travailler avec des logiciels de conception assistée sera généralement plus sensible à ses performances qu'à son prix. Ainsi, l'amélioration continue des performances des ordinateurs sera considérée comme un progrès uniquement pour l'ingénieur et non pour l'utilisateur d'un logiciel de traitement de texte. La méthode hédonique gagnerait donc à être appliquée en respectant la segmentation du marché.

Un autre cas, encore plus difficile, est celui des téléphones portables. De nouveaux téléphones apparaissent sans cesse, de plus en plus performants, avec de nouvelles fonctionnalités. La méthode hédonique, elle-même, devient impraticable pour au moins deux raisons. La première est que la méthode des prix hédoniques suppose l'existence de caractéristiques communes et mesurables au cours de deux périodes consécutives. Lorsqu'une nouvelle fonctionnalité apparaît, il n'est plus possible de l'appliquer car on n'a aucun moyen d'estimer quel aurait son impact sur le prix du téléphone si elle avait existé à la période précédente.

La deuxième raison est que le prix d'un produit dépend non seulement de ses caractéristiques physiques mais également de ses conditions de vente. Ainsi, les téléphones portables sont généralement vendus associés à un abonnement à des services multimédia. Or, ces conditions varient si souvent qu'il est très difficile, voire impossible, de mesurer ce qu'aurait été le prix du téléphone à conditions de vente constantes et de distinguer dans le prix global ce qui revient au téléphone et ce qui revient aux services fournis.

On pourrait rajouter une troisième raison. En effet, dans le cas des téléphones portables, on peut penser que pour beaucoup d'utilisateurs, ce qui compte le plus, c'est moins le niveau absolu des performances de leur appareil que leur niveau relatif. Ce qu'ils veulent d'abord, c'est posséder le modèle le plus performant, si un nouveau modèle apparaît ils feront tout pour l'acquérir même si ses performances ne leur sont d'aucune utilité pratique. Dans ces conditions, passer du meilleur appareil de l'ancienne génération au meilleur appareil de la nouvelle génération ne constitue pas un progrès, cela permet seulement de se maintenir au meilleur niveau, c'est-à-dire que cela ne devrait pas se traduire par un changement de volume. Mais comment déterminer objectivement quel est le meilleur appareil ?

La méthode des prix hédoniques ne s'applique pas non plus lorsqu'un bien est produit dans le cadre d'un contrat prévoyant des clauses particulières. Ainsi, il est fréquent que des contrats pour la fourniture de matériel militaire à un pays étranger comprennent des contreparties en termes de formation ou de transfert de technologies, par exemple. Dans ce cas, il est pratiquement impossible de déterminer ce qui revient au prix du matériel livré et ce qui revient aux contreparties.

Dans le même ordre d'idées, signalons le cas des contrats clés en main, c'est-à-dire des contrats qui prévoient, par exemple, la construction d'une usine, la fourniture de machines ainsi que des prestations de formation et d'assistance. Il est généralement impossible d'attribuer un prix à chaque élément séparé du contrat.

Le cas des services publics

La deuxième méthode utilisée par les comptables nationaux pour reconstituer un prix est la méthode input, elle consiste à estimer ce qu'aurait été le prix d'un produit en calculant son coût évalué aux prix de la période précédente et en lui ajoutant, ou non, une marge bénéficiaire. Cette méthode est principalement estimée pour estimer la valeur de la production gratuite des services publics puisque, dans ce cas, il n'y a pas de prix.

Cette méthode a un inconvénient majeur : puisqu'elle mesure le volume de la production à partir des coûts, c'est-à-dire des moyens mis en œuvre, elle ne permet pas réellement de mesurer la productivité car celle-ci se définit précisément en comparant le volume de la production aux moyens mis en œuvre pour l'obtenir. Pour tenter de remédier à cet inconvénient, les comptables nationaux ont exploré plusieurs voies. La première a consisté à essayer d'appliquer aux services publics la méthode générale de calcul du volume en définissant le plus précisément possible des unités produites. Ces méthodes ont été testées notamment dans le cadre des services publics de l'éducation et de la santé.

Le manuel du Système européen des comptes nationaux (SEC 2010) résume très bien les difficultés rencontrées :

Même dans le meilleur des cas des services non marchands consommés à titre individuel, tels que l'éducation et la santé, il n'est pas toujours aisé de distinguer des produits homogènes. En effet, les caractéristiques de ces services sont rarement définies avec suffisamment de précision pour que l'on puisse déterminer à coup sûr si deux unités de services non marchands différentes peuvent être jugées équivalentes ou non, autrement dit si elles doivent être considérées comme correspondant à un même produit homogène ou à deux produits distincts. Deux critères d'équivalence peuvent être retenus par les comptables nationaux :

a) le critère du coût unitaire : deux unités de services non marchands sont considérées comme équivalentes si elles ont le même coût unitaire. Ce critère repose sur l'idée que, collectivement, les bénéficiaires des services publics sont également ceux qui les décident et les paient. Par exemple, les citoyens décident de services publics par l'intermédiaire de leurs représentants et en paient les prestations par la voie des impôts. Dans ces conditions, les citoyens ne sauraient payer des prix différents pour des unités de services qu'ils jugent équivalentes. Par conséquent, selon ce critère, deux unités de services ayant des coûts différents doivent être considérées comme correspondant à des produits différents et un produit homogène non marchand se caractérise par l'unicité de son coût unitaire ;

b) le critère du résultat (outcome) : deux unités de services non marchands sont considérées comme équivalentes si elles donnent le même résultat. Ce critère repose sur le principe que deux unités de services considérées comme équivalentes par les citoyens peuvent toutefois être produites à des coûts différents parce que les citoyens ne contrôlent pas totalement le processus de production de ces services. Le critère du coût unitaire n'est alors plus pertinent et doit être remplacé par un critère correspondant à l'utilité des services non marchands pour la société.

Comme le critère du résultat paraît souvent plus judicieux, de nombreux travaux ont été consacrés à l'élaboration de méthodes fondées sur ce critère et des études se poursuivent en vue de les perfectionner. Dans la pratique, ces méthodes entraînent souvent l'introduction, dans le calcul du volume, de coefficients de correction appliqués aux quantités ; on les appelle alors méthodes avec correction explicite pour la qualité.

La principale difficulté rencontrée lors de l'utilisation de ces méthodes concerne la définition et la mesure du résultat. En effet, la mesure d'un résultat présuppose l'existence d'objectifs définis, ce qui n'est pas si simple dans le domaine des services non marchands. Prenons pour exemple le service de santé publique : quels sont ses objectifs ? Améliorer l'état de la santé publique ou allonger la durée de vie ? Les deux assurément, mais alors comment prendre en considération plusieurs objectifs qui ne sont pas équivalents ? Quel est, par exemple, le meilleur traitement : celui qui permet de vivre un an de plus en bonne santé ou celui qui permet de vivre deux ans de plus en mauvaise santé ? Par ailleurs, les estimations du résultat sont souvent loin de faire l'unanimité ; ainsi la question de savoir si les résultats scolaires des élèves augmentent ou baissent fait l'objet de controverses récurrentes dans de nombreux pays.

Les comptables nationaux européens ont dû renoncer à appliquer les méthodes basées sur le résultat faute d'avoir pu trouver un accord sur la définition des objectifs suivis par les services publics de l'éducation et de la santé. La raison profonde en est l'impossibilité de définir précisément la qualité. Il y a deux manières de la définir. La première définit la qualité comme un ensemble de caractéristiques, la seconde la définit comme une appréciation positive ou négative. Traditionnellement, les comptables nationaux définissent la qualité d'un produit à partir de ses caractéristiques et ils ne cherchent ni à porter un jugement sur ce produit, ni à introduire une hiérarchisation des produits basée sur leur qualité considérée comme bonne ou mauvaise.

Le problème est qu'en l'absence de standardisation rigoureuse, comme c'est le cas pour les services d'éducation et de santé, les caractéristiques des produits évoluent continument au cours du temps, deux unités successives n'ont plus exactement les mêmes caractéristiques, si bien qu'il devient impossible de définir rigoureusement un produit à partir de ses seules caractéristiques et de décider quand ses caractéristiques ont suffisamment changé pour que l'on doive définir un nouveau produit. La tentation est alors grande de vouloir passer au second sens du mot « qualité » et d'essayer de mesurer les progrès de la « qualité », non plus à partir des caractéristiques des produits mais à partir de leurs effets, c'est-à-dire, plus précisément, de leur capacité à remplir leurs objectifs.

Fonder le volume sur l'utilité

L'idée est ici de fonder le calcul du volume, non plus sur la quantité puisque celle-ci est impossible à définir en pratique, mais sur l'utilité. Le problème est que l'on se heurte alors à une question de cohérence logique. Il n'est pas possible de mesurer directement l'utilité et la théorie économique considère habituellement que, sous certaines hypothèses, l'utilité marginale d'un produit est égale à son prix. Puisque l'utilité n'est pas directement mesurable, c'est ici le prix qui permet d'estimer l'utilité. Mais, si on n'est plus capable de déterminer précisément des unités, on ne peut pas mesurer leur prix et on ne peut plus rien dire non plus sur leur utilité.

Les méthodes qui cherchent à calculer le volume à partir de l'utilité sont donc obligées d'utiliser d'autres indicateurs que les prix pour estimer l'utilité d'un produit. C'est ce qui fait leur faiblesse car il n'est pas possible de démontrer objectivement qu'un indicateur donné évolue comme l'utilité d'un produit.

Pour reprendre l'exemple des services de santé, personne ne peut démontrer que le nombre d'années de survie que permet de gagner le service de santé est un meilleur indicateur de son utilité que celui qui aurait été obtenu en considérant uniquement les années de survie en bonne santé. Le choix d'un indicateur représentatif de l'utilité d'un produit ne peut donc, en aucun cas, reposer sur des méthodes objectives, il ne peut, au mieux, que refléter l'opinion de ceux qui l'ont choisi.

Le cas des services marchands

Les difficultés de mesure du volume ne se limitent pas aux services publics gratuits, ils concernent aussi la quasi-totalité des services marchands. Pour eux aussi, il devient de plus en plus difficile de mesurer des quantités et des prix. Par exemple, pour les services de recherche, il est presque impossible de déterminer des unités puisqu'ils sont produits de façon continue et qu'il n'existe pas de produits analogues. De plus, là encore, il n'est pas possible d'utiliser des méthodes basées sur le résultat car, le plus souvent, celui-ci ne sera connu que bien des années après la production.

Dans ces conditions, la Task Force Eurostat en charge des questions liées à la mesure des services de recherche et développement a recommandé d'utiliser des méthodes input pour mesurer leur volume, c'est-à-dire qu'elle a reconnu l'impossibilité de mesurer les progrès de la productivité pour ces services.

Des difficultés similaires existent pour les services d'ingénierie, d'architecture, de conseil et la plupart des services de ce type.

Dans le domaine des transports aussi, notamment le transport aérien et le transport ferroviaire, la mesure du volume devient de plus en plus difficile avec les méthodes modernes de facturation générant des fluctuations de prix justifiées par les taux de remplissage des avions ou des trains, ce qui impose, en principe, de considérer des services différents pour des conditions de transport différentes.

Un autre cas particulièrement important est celui des services industriels. Du fait de la mondialisation, ces services se sont considérablement développés mais leur variété est telle qu'il est pratiquement impossible de les identifier précisément et donc de décomposer leur valeur en prix et en quantités.

D'une manière générale, la difficulté provient du fait que les services sont très souvent davantage définis par une mise à disposition de moyens que par des résultats identifiés précisément.

Des difficultés générales

Ainsi, il est très difficile, voire impossible, de mesurer le volume, c'est-à-dire aussi la croissance et la productivité, pour un nombre croissant d'activités économiques. Peut-on, au moins mesurer ces concepts pour les autres activités ? La réponse est malheureusement négative. La croissance et la productivité ne sont, en effet, pas définies à partir de la production, mais de la valeur ajoutée, c'est-à-dire de la différence entre la valeur de la production et celle des consommations intermédiaires.

Pour calculer le volume de la valeur ajoutée, il ne suffit donc pas de calculer le volume de la production, il faut aussi calculer celui de chaque consommation intermédiaire. Ainsi, en toute rigueur, il suffit que le volume d'une seule de ses consommations intermédiaires ne soit pas mesurable pour que le volume de la valeur ajoutée d'une activité ne le soit pas non plus. Or, il n'y a pas, ou pratiquement pas, d'activité n'utilisant aucune consommation intermédiaire dont la mesure du volume soit difficile ou même impossible.

Ainsi, du fait de l'existence de produits comme les services dont le volume n'est pas mesurable mais qui sont largement utilisés comme consommations intermédiaires, ce ne sont pas la croissance et la productivité de quelques activités qui sont impossibles à mesurer, mais celles de la quasi-totalité des activités. De plus, puisque le produit intérieur brut est défini à partir de la somme des valeurs ajoutées, il suffit d'une seule valeur ajoutée dont le volume n'est pas mesurable pour qu'il devienne impossible de calculer rigoureusement sa croissance. C'est malheureusement toujours le cas.

Au-delà des questions pratiques

Les difficultés pratiques ne sont souvent que l'expression de problèmes de fond. À l'origine, la notion de volume a été introduite pour répondre à la question : produit-on davantage que l'année précédente ? Lorsqu'il s'agissait de reconstruire un pays après la guerre, de nourrir ses habitants, de les loger, la réponse paraissait évidente, du moins l'objectif l'était-il même si les difficultés de mesure existaient déjà.

Lorsque les besoins primaires sont satisfaits la question est moins évidente. La consommation joue encore davantage un rôle de marqueur social. Il s'agit d'affirmer sa position hiérarchique dans la société, de se distinguer des autres. Dès lors, la consommation tend à devenir de plus en plus individualisée, c'est la fin de l'ère de la consommation de masse qui connut son apogée avec les Trente Glorieuses. La qualité prime désormais sur la quantité, on est passé d'un monde du toujours plus à un monde du toujours mieux.

Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que la pression s'accentue sur les comptables nationaux pour les obliger à calculer un produit intérieur brut reflétant l'amélioration de la qualité, c'est-à-dire dans un premier temps la qualité des produits, mais aussi, dans un second temps et comme par extension, la qualité de vie.

Il s'agit de montrer que, même si les quantités stagnent, le progrès se poursuit, que nous produisons de plus en plus de bien-être.

Il ne s'agit pas ici d'une simple question technique, mais d'une question essentielle pour la cohésion de notre société. En période d'expansion, chacun peut recevoir une part des fruits de la croissance, c'est-à-dire que chacun peut espérer voir sa situation s'améliorer. Certes, certains reçoivent davantage que d'autres mais celui qui s'en plaindrait alors que sa situation personnelle s'améliore serait perçu comme un envieux.

S'il n'y a plus de croissance, tout change. Il n'est plus possible d'améliorer la situation de tous et, pire, l'amélioration de la situation des uns ne peut se faire qu'au détriment de celle des autres. Ceux qui réussissent apparaissent alors comme des prédateurs ou des parasites et les autres comme leurs victimes. Comme l'égalité parfaite est bien difficile à atteindre, les inévitables inégalités ne peuvent que créer des tensions sociales très vives qui portent atteinte à la cohésion de la société.

Dès lors, on peut se demander s'il s'agit vraiment de demander aux comptables nationaux de mesurer le bien-être ou s'il ne s'agit pas plutôt de leur demander de démontrer qu'il s'améliore. Comme il n'est pas possible de mesurer objectivement le bien-être de la société, on demande aux comptables nationaux d'intégrer au PIB des indicateurs de qualité de vie sélectionnés parmi une multitude possible. On peut penser qu'un indicateur global concluant à une détérioration du bien-être aura peu de chances d'être retenu.

Ces développements soulèvent quelques questions :

Si vous souhaitez participer à ce débat, vous pouvez le faire en envoyant vos commentaires ou contributions à l'adresse suivante :

debats@comptanat.fr

 

Auteur : Francis Malherbe

 




 








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